Monday 24 October 2011

Clone wars

Petite réunion / dégustation avec un producteur californien ce matin.  Ca m'a rappelé des bons souvenirs. Surtout un concept qui m'avait marqué aux US, celui des "clones".  On parlait il y a quelques années beaucoup de clones aux Etats-Unis, surtout pour le pinot noir, les "Dijon Clones", les "Pommard Clones", le "667" ou le "777".  Si les Américains parlent ouvertement des clones qu'ils utilisent, on en parle peu en France.  Cela est très intéressant si l'on considère le point suivant: qu'est-ce qu'un cépage?  Qu'est-ce qui fait génétiquement un cépage?  Le Pinot Noir est-il identique génétiquement parlant partout sur terre?    

La raison du clonage ou de la sélection clonale est simple et née de la crise du phylloxéra.  En effet, pour palier les maladies récurrentes de la vigne, on a créé des techniques de sélection, d'observation puis de reproduction des plants les plus vigoureux.  Une plante-mère donne ainsi des plantes (clones) identiques, qu'on plantera après quelques générations dans un vignoble.  Ainsi, en plantant des clones plus résistants (ainsi qu'en améliorant la conduite des vignobles) on pouvait éviter les crises de pénurie.  Cependant, les progrès des techniques agronomiques et les engrais et autres intrants chimiques introduits après la Seconde Guerre Mondiale ont tellement bien marché qu'aujourd'hui le problème est plutôt l'inverse: on est souvent dans des cas de surproduction.  En effet, la plupart des clones classiques ont été créés pour être vigoureux (résistants aux maladies) et productifs.  C'est pourquoi les meilleurs vignerons français préfèrent  procéder par sélection massale plutôt que clonale, ce qui permet d'avoir des vignes "sur-mesure" et adaptées à ses besoins.  La sélection massale, c'est lorsque un vigneron sélectionne les meilleures de ses vignes pour les reproduire et les replanter.  L'idée étant qu'on utilise des plants qui ont déjà prouvé qu'ils étaient adaptés au contexte des vignobles concernés: climat, hygrométrie, sols etc...  Cela permet de maintenir une certaine diversité génétique.  En revanche, les domaines de très grande taille, pour des questions de régularité, préfèrent utiliser des clones agréés, souvent au détriment de la diversité génétique de leurs vignes.  On accuse souvent les clones de rendre les produits trop standards.

Aux Etats-Unis, comme ailleurs dans les vignobles du Nouveau Monde, et comme le nom l'indique, la viticulture est née (enfin pas vraiment, mais disons "a connu son essor") avec les techniques agronomiques modernes.  Ils utilisent donc allègrement des clones développés pour leur contexte.  En Californie, l'université UC Davis est la spécialiste de toutes les questions de viticulture et en particulier des clones et a développé la plupart des clones que l'on utilise là-bas.  A tel point d'ailleurs que les Américains ont tendance à parler d'un clone particulier comme ayant des caractéristiques tellement développées que c'est presque un cépage à lui tout seul.  En effet, ce qu'on appelle Pinot Noir en France n'a rien à voir avec ce que l'on fait aux US.  Et les Américains peuvent dire autant qu'ils veulent qu'ils essaient de faire du Bourgogne rouge en Oregon ou Sonoma, ils ne pourront jamais le faire, car leurs clones n'ont rien à voir avec les clones français.  Je constate cependant, après ma réunion de ce matin, que le discours a changé un peu par rapport à il y a 5 ans, mon ami ne parle plus de "777 Clone" mais de "Proprietary clones", entendre "sélection massale".  Les vignerons américains chercheraient-ils donc maintenant à se démarquer et à rendre leur production plus unique?  Tant mieux, cette idée fait son chemin, c'est bien pour tout le monde.

Bref, désolé si je fais le méga-geek, mais la viticulture est éminemment complexe et il y a beaucoup d'aspects qui aboutissent au produit qui finit en bouteille, je me suis dit que je tenterais d'en expliquer un des aspects, et non des moindres...

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