Saturday 15 October 2011

Les commentaires de dégust'

Ca me fait toujours bien marrer quand je lis des commentaires de dégustation.  J'ai envie de dire à tous les écrivains de commentaires de dégustation: on s'en fout!  Ce n'est pas parce que vous avez senti de la violette ou de la noix de cajou que quiconque sentira la même chose. Et qui plus est, comment est-ce que cela est sensé orienter mon choix?  Bon, je comprends que ça aide beaucoup à remplir des pages, mais franchement, vous ne trouvez pas que ça ressemble à une capitulation intellectuelle d'écrire des commentaires de dégustation?

Ensuite, j'ai pu établir une typologie des commentaires de dégsutation, sans ordre d'(in)utilité:

- Les commentaires dithyrambiques, du genre:
NEZ: Les arômes sont puissants et embaumants.  C'est le paradis dans un verre!
BOUCHE: Quel complexité!  On passe tour à tour de l'eau de rose au caramel au beurre salé, aux  marrons cuits; le tout avec des tannins d'un velouté extraordinaire!
FINALE: On touche au sublime!  Ou encore (j'adore): N'en finit pas de finir!
Généralement, ces commentaires concernent des vins super-attendus et chers. Plus il y a de points d'exclamation, plus je me marre. On passe...

- Les commentaires poétiques:
NEZ: Les poètes de la Pléïade réunis ne sauraient décrire l'ineffable beauté de ces arômes envoûtants.
BOUCHE: Ethérée, presque invisible, on touche ici à l'essence du vin, dans toute sa divine splendeur.
FINALE: Beaudelaire disait que le vin est à la vie, ce que le sel est à l'océan, ô immensité des eaux, mère nourricière, où donc es-tu si ce n'est dans ce flacon?
C'est donc que je fais de la prose sans le savoir?

- Les commentaires / inventaires de Prévert:
NEZ: noix, pivoines, abricots secs, cerises de Montmorency, puis s'ouvre sur des notes très terreuses de humus, sous-bois, champignons d'été pour finir sur des notes suaves de cassis mûr, de bouquet garni, de vieux cuir, de noix de macadamia, de graines de lin, d'orange confite, de figues sèches et j'en passe!
BOUCHE: Un panier de fruits: groseilles, fraises, framboises, cerises, orange,banane, pomme verte, mangue, noix de coco, et d'épices, canelle, muscade, poivre noir, cardamome, vanille, le tout enveloppé dans des tannins longs, fins, souples, voluptueux, tendres.
FINALE: A la fois longue et éphémère, forte mais diminuant progressivement, on reste sur des arômes tertiaires de sous-bois, de vieux cuir, légèrement foxé, porridge, salin et doux à la fois.
Rien à rajouter...

- Les commentaires techniques:
NEZ: On sent bien le sliex de ce terroir bien drainé et la fraîcheur des nuits et de ses vents de Nord, rafraîchissant le vignoble la nuit.
BOUCHE: Avec des fermentations longues, un élevage en fûts à 60% neuf, chauffe M+, deux soutirages (un à 6 mois en fûts, un avant mise en bouteille), la bouche présente un boisé fin et une texture ample.
FINALE: On comprend bien ici que l'assemblage fait la part belle au Grenache, avec une finale épicée avec toutefois une fraîcheur caractéristique des vieilles vignes de Mouvèdre. Caudalies: 26.5
Si c'est une fiche technique, ce n'est pas un commentaire de degustation... Pour ceux qui n'ont pas de Bac+7 en oenologie, s'abstenir.

- Les commentaires épicerie de luxe:
NEZ: un petit côté salin qui n'est pas sans rappeler le caviar osciètre, les amandes de Marcona et la truffe blanche d'Alba.
BOUCHE: un côté viandé, très Pata Negra, la suavité d'une huile d'olive de Nyons, des notes de canelle de Ceylan
FINALE: que du noble, du beau et du suave, finale très délicate mais présente avec des notes de safran du Quercy.

- Les commentaires laconiques:
NEZ: propre
BOUCHE: équilibrée, belle fraîcheur
FINALE: Bien, propre, fraîche
On dirait mes notes de dégustations retranscrites ;-)

Bref, tout ça pour dire que ces commentaires ne m'intéressent jamais, mais n'ont de cesse de me fasciner, tant je les trouve barbants.  Que quelqu'un veuille faire part de ses commentaires par écrit me dépasse complètement.  Cela est loin cependant de m'énerver autant que quand les commentateurs se sentent obligés de donner une note au vin: "J'hésitais entre un 86 et un 86,5, du coup j'ai coupé la poire en deux et mis un 86,25 généreux à ce vin."  Pfff, quelle connerie.  Le problème des notes, c'est que les commentateurs, une fois qu'ils commencent, se sentent obligés de continuer et se retrouvent prisonniers de leur système de notation.  En plus, je ne veux pas dire, mais on ne peut pas être 100% objectif en goûtant une fois un vin dans un contexte donné, et il faut admettre ça propre faillibilité en la matière. Et la plupart des commentateurs-noteurs se pensent infaillibles.  C'est un exercice futile parmi tous à mon avis.

Par exemple, il y a quelques semaines, j'ai invité un blogueur du whisky à une dégustation de single malt que j'organisais (je sais, ce n'est pas du vin, mais les ressorts sont exactement les mêmes).  Le propriétaire d'une distillerie très intéressante était là.  Beau projet, belle histoire, produits intéressants, moi ça m'a plu.  Je suis allé voir ledit blogueur à la fin de la dégustation pour lui demander comment il avait trouvé la dégustation et tout ce qu'il a eu à me dire c'était: "Honnêtement, les whiskies sont encore trop jeune pour que je puisse leur donner plus de 85-87".  Quel connard, CE N'EST PAS CE QUE JE TE DEMANDAIS!
Bref, les mecs qui mettent des notes à des vins (ou à toute autre boisson) ça me fait bien marrer aussi.  A bon entendeur...

4 comments:

  1. Petite question : comment ferait un goûteur modeste, s'il veut faire passer ses impressions (subjectives et faillibles). On a bien compris qu'il ne faut pas "noter", mais comment exprimer ses sentiments de façon intéressante pour son entourage ou ses lecteurs?

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  2. Un critique d'art ne se contente pas de dire "Le tableau représente un couple allongé dans l'herbe. Le fond est champêtre et les couleurs sont pastels". Le critique va placer le tableau dans un contexte, expliquer l'histoire du peintre, ses influences, les techniques utilisées, les points de rupture ou d'innovation, bref, le mettre en perspective et le placer dans une dynamique. Je pense que c'est cela le plus important: donner ses comentaires de dégustation ne sert à rien si on ne met pas le vin dans un contexte. De toute façon, la seule vraie dégustation est comparative. Il faut mettre des vins dans un contexte (un domaine, une appellation, un millésime, une catégorie) et par effet miroir les commenter les uns par rapport aux autres. Dire qu'un vin sent telle chose et goûte telle chose c'est assez stérile en soi. Par contre dire qu'il s'inscrit dans la production d'un domaine, par exemple, ou d'un millésime et a telles caractéristiques par rapport aux autres vins du domaine ou du millésime, ça pour moi c'est intéressant.

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  3. Donc un commentaire de vin devrait être contextualisé et/ou comparatif. C'est bien ça ?

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